Les limites et les règles
A- Les limites
Les limites ont un rôle structurant, elles balisent et organisent le monde en séparant le possible de l’impossible. Ce sont elles qui apprennent au jeune enfant le respect de l’autre en l’empêchant de le pousser à bout, d’exagérer.
« Les jeunes enfants ont donc besoin de limites pour grandir et qui le sécurisent » (F.Dolto) Ces limites servent donc à assurer leur sécurité, celle des autres et leur permettre d’intégrer les règles de savoir-vivre en société. Elles développent la capacité d’attendre et de différer la satisfaction immédiate. L’absence de limites angoisse les enfants et le pousse à chercher de plus en plus loin l’existence d’un interdit éducatif. Elles sont donc utiles et sécurisent les enfants.
Mais pensez que les limites permettent à l’enfant de se confronter à la frustration est sans doute faux. De fait, La vie quotidienne engendre des frustrations que l’enfant doit surmonter, avec l’aide des adultes.
L’équipe veillera à limiter les limites. En effet, il ne sert à rien d’en ajouter de supplémentaires juste parce que cela serait éducatif. Ces frustrations deviennent alors des freins aux jeux de l’enfant et à son élan vital. Passer son temps à dire « non » (ou quelque chose d’apparenté) finit par soit ne plus être entendu comme limite soit provoque une crainte chez l’enfant au point de devenir un être lui-même «limité».
Avant 6 ans, l’enfant est incapable de faire mal intentionnellement. La morsure ne résulte pas d’une quelconque agressivité consciente. Elle se produit souvent au cours de conflits à propos d’objet ou de situations. Le conflit permet de découvrir l’autre qui résiste.
La conscience de soi et la conscience de l’autre, se construit en même temps et l’une grâce à l’autre. Cette construction, lente, occupe les trois premières années de la vie et s’opère dans la limitation et les conflits.
Quand il y a conflit, celui-ci ne débouche pas forcément sur une agression. Il peut ainsi avoir une valeur constructive et structurante par le comportement de négociation de l’enfant qu’il engendre.
Nous ne pouvons donc pas attendre de l’enfant accueilli qu’il comprenne le sens des règles à l’image de l’adulte, car il n’en n’a ni les moyens cognitifs ni affectifs. Sa conscience de l’autre n’étant pas encore élaborée, l’enfant est encore au stade dit égocentrique.
B– La non-punition
L’équipe éducative n’a pas recours à « la punition » qui impose un rapport de force, dans lequel l’une des personnes est dans la position de dominant alors que l’autre occupe la position de dominé. Le dominant – l’adulte – va donc exercer son pouvoir sur le dominé – l’enfant – . L’adulte se trouve alors en position de supériorité par rapport à l’enfant.
Lorsqu’un enfant transgresse une règle, cela peut provoquer diverses émotions chez l’adulte : agacement, fatigue, énervement, déception. La punition est une réaction « émotionnelle » à un comportement perçu comme une transgression ou une faute de la part de l’enfant. Elle est donc subjective et peut aussi se révéler démesurée et disproportionnée, mais également inefficace.
La punition est vécue comme injuste et humiliante si elle ne s’appuie pas sur des règles claires et énoncées et qu’elle n’est pas là même pour tous.
C– La « réparation »
La « réparation » est, elle, éducative, dans le sens où elle stimule l’auto-responsabilisation de l’enfant.
Elle lui permet de faire un lien entre l’action et ses conséquences, c’est la rencontre avec le « principe de réalité », comme l’appelait Sigmund Freud. L’adulte ne se positionne pas comme un dominant mais comme un témoin de la réalité, une réalité dans laquelle les contraintes et les limites sont posées de façon ferme et claire.
L’enfant, en pleine connaissance des règles, doit connaître les conséquences naturelles et prévisibles et les assumer.
Élisabeth Maheu, auteure, spécialiste des questions éducatives au sein de l’IFMAN (Institut de recherche et de Formation du Mouvement pour une Alternative Non-violente) nous parle de « la réparation ». Lorsque l’enfant transgresse une règle, la réparation est l’occasion, pour l’adulte, de se positionner de façon bienveillante et réfléchie face à l’enfant, en lui confiant une responsabilité de réparer Pour l’enfant il ne s’agit pas seulement de réparer un objet ou une relation cassée mais également de « se réparer » lui-même. Elisabeth Maheu explique que « lui demander de réparer, c’est aussi lui dire qu’on croit en lui, et le reconnaître capable d’apporter à la collectivité quelque chose de positif ».
Une des bases fondamentales de la « réparation » suppose que l’adulte démontre à l’enfant que lui aussi peut commettre des erreurs, les assumer et les réparer. Grâce au fonctionnement des neurones miroir (Giacomo Rizzolatti) qui joue un rôle dans l’imitation et le déchiffrage des intentions et des émotions d’autrui, l’enfant sera plus apte à reconnaître ses propres erreurs, à s’excuser et les réparer.
Lors d’un conflit, l’adulte de la micro-crèche sépare les protagonistes en faisant cesser l’action. Puis il console, soigne, calme l’agressé et rappelle la règle à l’agresseur; « Non, il est interdit de faire mal à l’autre ainsi qu’à soi-même. ». Il est interdit à l’adulte de frapper ou de fesser même si les parents le préconisent. Bien évidemment, mordre à son tour est totalement proscrit. Le message passe par la parole ferme mais non violente et sans cris.
Envoyer un enfant se calmer seul dans un coin de la salle, ou encore lui refuser un câlin qui l’aiderait à se calmer parce qu’il n’a pas été « gentil » est aussi une forme de violence pour lui. Il se sent alors rejeté et cela est très angoissant. Il a au contraire besoin de sentir que, même lorsqu’il s’est fâché, pleure ou qu’il est malheureux, les adultes qui font autorité ne sont pas atteints et sont toujours là pour le rassurer, pour lui donner de l’affection. C’est aussi ainsi qu’il construit sa confiance en lui.
Cette frustration vécue par l’enfant sera plus facilement acceptée, si le ton employé est tendre et encourageant. Il est important d’établir entre l’enfant et l’adulte une relation de confiance, qui permet un guidage intelligent, affectueux et respectueux de la personnalité de l’enfant. Ce n’est pas être autoritaire, mais faire autorité par ses compétences et son éthique professionnelle. En parlant de manière apaisée et très compréhensible, l’enfant sera plus ouvert à l’écoute et sera en mesure de comprendre ce qui lui est dit. L’adulte n’hésitera pas à s’approcher de lui, à se mettre à sa hauteur et à le toucher pour lui parler. S’il refuse le dialogue, il est toujours possible de lui dire qu’il peut revenir vers lui ensuite.
Il faut toujours essayer d’analyser ces situations difficiles, de comprendre ce que l’enfant a voulu faire ou dire sans se mettre en colère. Sinon l’enfant prend peur et se met lui-même en colère, comme il se sent agressé c’est une manière de se défendre. De plus il n’entend, ne voit, ne comprend que la colère de l’adulte, ce qui l’affecte sans en saisir la raison et l’empêche du même coup de dépasser ses frustrations, puisqu’il ne peut pas se mettre en situation d’écouter et de comprendre.